Les médias sociaux en Belgique, puissance et intimité

A l’intérieur d’un panorama plus large, l’Eurobaromètre News & Media 2022 permet de revenir sur l’utilisation des médias sociaux en Belgique. De manière quantitative (combien d’utilisateurs, avec quel profil socio-démographique ?) et plus qualitative (quelles sont les raisons d’utilisation ?). Portrait d’un secteur où la Belgique se distingue peu de la moyenne européenne et qui est devenu largement « mainstream ».

En très bref

  • S’il faut caractériser les réseaux sociaux en Belgique au printemps 2022 (période de l’étude utilisée), c’est une combinaison d’audience de masse, avec une pénétration de l’ordre de 90% sur presque tous les segments de population, et de sélectivité sur l’intensité : les populations plus jeunes ont recours à une large palette de marques, à la différence de leurs aînés.

  • Comme dans notre étude DotsInMinds, les motivations d’utilisation sont très larges pour les marques à forte audience (Facebook ou WhatsApp par exemple) et beaucoup plus précises pour des marques plus petites (Snapchat ou Twitter, entre autres).

  • Conformément aux enseignements tirés d’autres études, l’Eurobaromètre révèle que la fonction d’expression est peu répandue chez les utilisateurs belges de réseaux sociaux : ils privilégient les interactions avec leurs proches et la consommation passive des réseaux.

  • D’une manière générale, malgré leur vaste pénétration, les médias sociaux semblent en premier lieu être les médias de l’intime, du cercle des proches, même si ce cercle peut être proportionnellement large. Massifs globalement, mais personnalisés : une caractéristique qu’il ne faut pas oublier.

Les médias sociaux, élément d’un ensemble plus large

L’étude que nous analysons [1] a été réalisée au printemps dernier, très précisément du 26/04 au 11/05/2022 et a été conduite sur le terrain par l’institut IPSOS. Le questionnaire en ligne a récolté en Belgique  un total de 1573 répondants âgés d’au moins 15 ans. La répartition linguistique de l’échantillon est assez peu habituelle et plutôt surprenante, avec seulement 35% de néerlandophones dans le total brut des répondants. Naturellement, le jeu du redressement corrige cette faiblesse : la répartition nette finale des poids est conforme à celle de la population belge, où la partie néerlandophone pèse 56% du total, mais ce n’est pas une situation idéale.

L’Eurobaromètre News & Media a été réalisée sur l’ensemble de l’Union Européenne dans sa forme actuelle (27 pays) avec un total de plus de 52.000 interviews.

L’essentiel du questionnaire porte sur l’accès à l’information, la confiance dans les sources ou encore la désinformation. Mais deux questions portaient sur l’utilisation des médias sociaux : ce sont elles qui nous intéressent ici. Elles permettent d’évaluer les médias sociaux  en volumes d’utilisation et en profil, mais aussi en fonction d’une dizaine de motifs d’utilisation, parfois différents de ceux de notre propre étude DotsInMinds sur le sujet.

Presque universels, mais pratiqués à des intensités différentes

Nous l’avons déjà souligné avec DotsinMinds, il n’y a pas de consensus universel sur la définition des réseaux sociaux. Les divergences quant au périmètre peuvent parfois concerner Youtube, mais surtout les applications de messagerie instantanée. Ici, l’Eurobaromètre inclut donc WhatsApp et Facebook Messenger dans sa liste de marques, et c’est un choix légitime, mais il n’est pas universel.

Ceci étant, au cours d’une semaine moyenne, plus de 90% des résidents belges âgés d’au moins 15 ans se connectent à au moins une des marques proposées. Conformément à ce que d’autres sources révèlent, Facebook est largement premier, comme enseigne. Mais les marques de l’entité Meta ne sont pas en reste, puisque WhatApp et Messenger arrivent directement après en termes de volume d’utilisation. Sans compter la 5e place d’Instagram après le tiercé Meta (Youtube s’est introduit en 4e place). Le graphique ci-dessous montre d’ailleurs une différence entre médias sociaux « de masse » ou « mainstream » et les marques de niche. Cette série « niche » commence avec Twitter et va jusqu’à Telegram.

On constate peu de différences linguistiques, excepté peut-être sur WhatsApp et Instagram, nettement plus utilisés au Nord du pays.

En termes de profil, l’enquête Eurobaromètre confirme une série d’éléments déjà connus.

  • Le caractère assez universel des médias sociaux aujourd’hui : entre 87% et un peu plus de 95% de pénétration hebdomadaire globale selon les segments de population, on parle bien d’un phénomène de masse.

  • Il y a par contre plus de diversité socio-démographique sur le nombre de marques utilisées. Par rapport aux 10 noms proposés dans l’enquête, le Belge « moyen » déclare en utiliser 3,5 sur base hebdomadaire. Mais quand les seniors sont à une moyenne d’utilisation de 2,6, la valeur culmine à 5,6 chez les moins de 25 ans et à 4,5 pour les individus vivant dans de foyers de 4 personnes et plus.

Bref, c’est l’intensité d’utilisation qui fait la différence entre les profils, plutôt que l’utilisation elle-même.

Si on analyse les profils socio-démographiques des différentes enseignes, les contrastes sont assez évidents entre les tout premiers (essentiellement les marques Meta) et les enseignes plus « niche ». Ces dernières affichent des sélectivités parfois extrêmement fortes sur les plus jeunes répondants, avec des records sur Snapchat et TikTok. Sans surprise, le cœur de cible de toutes les marques (y compris Facebook, malgré un profil très peu différencié) se situe essentiellement chez les moins de 30 ans et dans les ménages comptant au moins 3 personnes. Le genre des répondants joue généralement peu, mais on retrouve plus fréquemment les hommes sur Telegram, Twitter ou LinkedIn.  Cette dernière est aussi particulièrement sélective sur les actifs professionnels.

Priorité à l’interaction avec les proches et à l’information

L’autre question relative aux réseaux sociaux portait sur une dizaine de motifs d’utilisation. Le graphique ci-dessous les classe par ordre décroissant d’importance. On retrouve ici les motivations principales liées à la communication et à l’information que nous avions identifiées via DotsInMinds [2]. Cette dernière proposait une série de motivations parfois différentes. La deuxième par ordre d’importance dans l’enquête Eurobaromètre « suivre les activités des proches ou de collègues » n’avait pas été abordée telle quelle dans DotsInMinds. Ce qui apparaît ici, c’est que les fonctions d’expression « partager mes opinions publiquement » et « partager mes contenus » sont des options assez peu fréquentes. Nous l’avions déjà évoqué avec l’enquête Pulsar, cette fois : l’utilisation des réseaux sociaux n’est pas nécessairement très active et se résume pour beaucoup à suivre d’une manière plutôt passive [3]. Enfin, comme dans DotsInMinds, l’activité commerciale est assez peu pratiquée sur « les réseaux ».

Nous avons analysé les profils socio-démographiques de deux manières, représentées ci-dessous :

  • Quantitativement, avec le nombre moyen de motivations citées. En général, on déclare un peu plus de deux raisons principales d’utilisation des médias sociaux, mais on trouve un plus grande variété chez les moins de 30 ans (et surtout les moins de 25) et dans une certaine mesure les actifs.

  • Qualitativement, motivations et caractéristiques socio-démographiques ont été disséquées via une analyse de correspondances, qui permet de démontrer que par exemple, la rencontre de nouvelles relations - motivation très peu répandue- est  plutôt pratiquée par les jeunes. Fréquenter les réseaux sociaux pour raisons professionnelles est assez peu courant, mais s’avère plus accentué chez les actifs professionnels et les jeunes adultes. Ces segments sont également plus susceptibles de pratiques commerciales. Les jeux vidéo constituent aussi une occupation peu fréquente, du moins sur les réseaux sociaux, tels qu’ils sont abordés dans l’étude, et sont ici aussi davantage pratiqués par les répondants les plus jeunes.

On peut également croiser les motivations d’usage des réseaux sociaux et l’utilisation des différentes marques. C’est ce qui apparaît dans le graphique ci-dessous. Même si les options proposées sont différentes de celles de DotsInMinds, on retrouve ici un enseignement que nous  en avions déjà retiré : plus la pénétration d’une marque est large, plus elle a de chances de répondre à un large éventail de motifs d’utilisation. A l’inverse, parmi les enseignes de niche, on trouve un plus petit nombre de motivations différentes, et donc des utilisations beaucoup plus limitées et précises.  Avec des particularités liées à la nature de chacune des marques. Ainsi Youtube et TikTok se distinguent sur la consommation de contenus photos et vidéo, tout comme naturellement Instagram. LinkedIn est imbattable sur l’utilisation professionnelle. L’information est une motivation assez courante, mais plus spécifique sur LinkedIn, Twitter ou Telegram (très marginale en Belgique, la marque est utilisée intensivement en Ukraine y compris pour la communication des entités officielles).

La Belgique sans gros contraste

Les données Eurobaromètre étant collectées dans tous les pays de l’Union Européenne, on peut même comparer les comportements de Belges avec le reste du continent. C’est ainsi que l’on remarque une pénétration légèrement moindre des réseaux sociaux pris globalement dans notre pays par rapport aux 94% de moyenne sur les 27 états. Facebook et son satellite Messenger sont plus fréquemment utilisés en Belgique, de même que LinkedIn ou encore Snapchat. Par contre, nous sommes moins accros à WhatsApp, Instagram, TikTok ou Telegram. Du côté des activités pratiquées, les différences portent plutôt sur la consommation d’actualité, le partage et la consommation de vidéos et photos, proportionnellement moins populaire en Belgique. Autre différence, mais où la Belgique est plus en pointe, c’est sur le suivi des proches et collègues. Mais en Belgique comme dans l’Union, c’est la communication directe  qui constitue la toute première raison d’utilisation des médias sociaux.

Pas tout à fait comme les autres médias

Du point de vue de la communication marketing, que retenir de ceci ? Les premières raisons d’utilisation des réseaux sociaux, en Belgique comme ailleurs, sont de l’ordre de l’intime, du cercle de relations proches. L’élargissement de ce cercle ‘get to know new people’ ou l’expression publique sont des usages bien plus marginaux. Bien sûr, il y a en 3e position une fonction liée à l’information qui caractérise aussi les médias sociaux. Mais comme le rappelle Bruno Patino, sur les médias sociaux « il y a autant de pages de une que d’utilisateurs » [4] : à la différence des médias classiques, chaque utilisateur bénéficie d’une interface différence dans sa consommation d’information. Il n’y a pas de première page (la fameuse « une ») commune aux millions d’utilisateurs de Facebook, Instagram ou Twitter. Bref, la communication marketing sur les médias sociaux doit idéalement dépasser la simple adaptation de messages existants déclinés sur d’autres supports, mais personnaliser autant que possible son approche. Elle rentre en effet dans un espace nettement moins public que celui des médias de masse, plus portés au « one size fits all ».

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